dimanche 5 janvier 2025

Archéorôludisme : Casus Belli n°33

Repartons un instant en juin 1986, pour le numéro 33 de Casus Belli, première génération. Le premier magazine des jeux de simulation est alors une machine éprouvée, dont nombre de chroniques sont désormais installées.




On pourrait croire que ce numéro est porté par une thématique ferroviaire, puisqu'une partie non négligeable de son contenu évoque le train. D'ailleurs, la couverture annonce la couleur : il y aura du train et de la neige, comme on le verra plus loin.

Le journal s'ouvre avec quelques publicités (notamment une pleine page pour Hexagonal, avec Les Trois Mousquetaires, Bushido et JRTM), puis on attaque le calendrier, qui annonce le France Sud Open de Toulon, notamment, avant de faire un récit de quelques conventions passées et le résultat des concours de scénarios (pour Légendes et les aventures en solo). On passe ensuite aux nouveautés, avec notamment des titres comme Les aventures extraordinaires (d'après Jules Verne), attendu chez Les Elfes, ou les traductions prévues chez Hexagonal : Sandman et Time Master, par exemple, n'auront pas franchi l'étape du projet. Mais d'autres éditeurs dégainent de sacrées adaptations, qu'il s'agisse de Paranoïa chez Jeux Descartes ou de Chill chez Schmidt, pour n'en citer que deux. La partie réservée aux créations en VO est plus réduite (mais très concentrée) tandis que les magazines pullulent : c'est à cette époque que naît Chroniques d'Outre-Monde, avec son numéro 0, tandis que l'article évoque aussi Info-Jeux et Dragon Radieux, respectivement à leurs numéros 3 et 4.
De même, les clubs et les boutiques annoncées dans les pages suivantes semblent se multiplier. Peut-on parler d'un certain âge d'or ?

What's your game se fait l'écho de l'actualité outre-Manche, notamment sous l'angle business, puis vient une interview de G.J. Arnaud, l'auteur de La Compagnie des Glaces, par Pierre Rosenthal. On embraie ensuite sur une Inspi Ciné très ferroviaire puisque Runaway Train tient le haut de l'affiche. On passe ensuite à la BD, en compagnie d'Annabella Belli, avant deux pages de conseils de lecture. Roland C. Wagner a fourni à l'époque quantité d'aiguillages littéraires : toute une génération se biberonna à ses chroniques, je crois. Enfin, le troisième volet de l'article consacré à la fantasy évoque ses tenants actuels (à l'époque), de Poul Anderson à Gene Wolfe. 

Les Têtes d'affiche offrent une belle variété de jeux, avec du JdR, du jeu de plateau et du wargame : y sont chroniqués (entre autres) des jeux comme Skyrealms of Jorune, L'an mil ou Dr Ruth's game of good sex (!). Puis commencent les "gros" articles. La Compagnie des Glaces, un des plus anciens jeux de rôle français (à quand une ré-édition ?) est l'objet d'un article de Pierre Rosenthal qui le voit "plus proche d'un jeu d'atmosphère que d'un jeu de dés". 

La rubrique Bâtisses et Artifices est consacrée à l'abbaye, qui apprit sûrement pas mal de choses à pas mal de lecteurs. Notons au passage que cet article se conclut en conseillant la lecture du Nom de la Rose, dont l'adaptation cinématographique n'était pas encore sortie. Vient ensuite la Gazette Galactique qui propose, en plus d'une aide de jeu sur les armes, un errata, la deuxième édition de MEGA ayant soulevé quelques questions. 

L'article qui suite, signé Jean Balczesak, s'intitule Profession : Maître de Jeu et, si ce qu'il énonce semble aujourd'hui plein d'évidences, il a pu être utile aux MJ débutants de l'époque. La rubrique Devine qui vient dîner  continue, après le numéro 32, de décrire les Ma'ians. Suit une nouvelle, puis c'est le Dandurrir d'Arno qui est l'objet de la rubrique Dis monsieur...

On remonte ensuite dans le train avec un scénario pour La Compagnie des Glaces  : Les neiges du Kilimandjaro. Ce sera (sauf erreur de ma part) le seul et il est écrit par Jean-Pierre Pécau, auteur du jeu. Le scénario suivant Le jour où le ciel tomba est destiné à Légendes Celtiques et précède l'inévitable scénario pour AD&D. On a ensuite droit à une nouvelle aventure solo, illustrée par Ségur : Les pluches, qui avait remporté le concours proposé dans le numéro 31. Aviez-vous endossé le rôle de ce petit scout de corvée d'épluchages de 25 kg de patates ?



C'est ensuite le tour de L'Enfer du Décor, la BD en deux pages (par Arma), puis vient la rubrique Métalliques, qui donne des indications quant à la peinture des figurines en plomb, sous la plume de Jean Balczesak (encore lui). Je me demande ce qu'auraient pensé les amateurs de ces colonnes de l'omniprésence de figurines en plastique, aujourd'hui. 

La rubrique Sur un plateau est titrée "Empires de métal", non qu'y soient traités des jeux avec figurines (rapport aux pages précédentes). Il s'agit ici de jeux de plateau sur le thème (omniprésent dans ce numéro) du train. Souvenez-vous qu'à cette époque, le jeu Les aventuriers du rail n'existe pas encore ! Sont évoqués des titres oubliés comme Rail Baron (chez Avalon Hill), Railway Rivals (Games Workshop), Empire Builder (Mayfair Games) et British Rails (chez le même éditeur, tandis qu'une poignée d'autres sont cités. L'article est très complet et ne désigne pas de grand vainqueur du banc d'essai. 

Les wargamers ont droit à un article sur Wellington's victory, "gros" jeu napoléonien, de chez SPI, puis à un autre sur Druid, édité par la toute jeune compagne West End Games. La conclusion du chroniqueur est assez amusante et révélatrice : "Plus qu'un wargame, Druid est un jeu".

Les pages suivantes sont destinés aux fans de deux poids lourds (à l'époque) du wargame : Air Force et Squad Leader, avant la Ludotique qui évoque des jeux pour des micro-ordinateurs oubliés : vous souvenez-vous du MO5 et du TO7, par exemple ?

Enfin, c'est une nouvelle page L'enfer du décor  qui clôt le numéro avec Kroc-le-bô, qui trouve (malgré lui) un job de monstre errant. 


Notre gobelin préféré conclut ce numéro 33 de Casus Belli. On se retrouve bientôt pour le numéro 34 !



jeudi 2 janvier 2025

Jeu de rôle Magazine n°66

Entre deux plongées dans le passé avec les vieux numéros de Casus Belli, prenons le temps de nous pencher sur la presse rôludique actuelle. Cette dernière ne compte plus grand chose, en matière d'offre. Le numéro 66 de Jeu de Rôle Magazine est donc le bienvenu. Fera-t-il regretter les magazines d'avant ?

 


J'avais soupçonné dans le numéro précédent l'utilisation d'images générées par l'IA : je ne pense pas que ce soit le cas dans ce numéro, qui utilise cependant nombre d'images de banques d'illustration. Sans doute est-ce dût à une situation financière compliquée (tout comme le prix du magazine)

L'éditorial revient encore une fois sur les cinquante ans du JdR en usant de forces acronymes sans les expliquer. Dès les premières pages, on comprend que le poste de relecteur a été supprimé depuis belle lurette chez JdR Mag (hum). On démarre ensuite avec les Notules Ludiques où sont évoquées les nouveautés à venir ou récemment sorties. C'est factuel, pas forcément complet (normal) et plutôt bien mis en forme. Ces pages richement illustrés sont suivies par des Billets d'humeur, forcément subjectifs, qui précèdent une rencontre avec Fabien Cerutti, plutôt intéressante (même si l'interviewé fait essentiellement son auto-promotion). 

Le jeu Sapa Inca est l'objet d'un banc d'essai, dont la conclusion est très positive, malgré une forte proportion de fantastique dans la proposition et un style qui semble alourdir le jeu. Suit un échange avec les auteurs de ce jeu, ou plutôt les éditions Odonata : les jeux déjà produits (Insectopia, par exemple) ou à venir de cet éditeur prennent une place notable dans l'entretien. Pour compléter le tout, un scénario est proposé : il est adapté aux débutants, ce qui est une vraie bonne idée, et est plutôt long (la marque de fabrique des scénarios de ce magazine, me semble-t-il).

Vient ensuite LA curiosité de ce numéro : deux pages non présentes dans le sommaire et imprimées à l'envers, contenant une pseudo-interview entre un MJ et l'aubergiste et les clients de la dite auberge. C'est amusant, mais totalement dispensable, si vous voulez mon avis. 

Un loooooong scénario Cyberpunk Red nous ramène au JdR. Des aides de jeu sont à télécharger pour cette aventure qui semble mêler investigation, infiltration et action. Suit un autre scénario (lui aussi pourvu en aide de jeu) pour Cthulhu Tenebris, énième déclinaison du Mythe, qui se déroule cette fois au IXème siècle, dans l'Empire Bulgare. A première vue, il m'a semblé très directif, voire scripté et nécessitera donc que le Gardien des Arcanes qui s'y colle soit bien préparé. 

C'est la rubrique Vous entrez dans une auberge qui vient ensuite et propose une aide de jeu relative aux "besoins" (sic) des personnages joueurs (et non joueurs). A mon sens, il s'agit là de deux pages gâchées qui auraient pu être remplies avec une véritable aide de jeu. 

La rubrique Inspirations se penche sur ide Clark Ashton Smith, avec un avis plutôt mitigé sur ces nouvelles de dark fantasy. Puis on a droit (encore !) à un article sur le cinquantenaire du jeu de rôle et le festival qui les célébra à Senlis en septembre dernier. L'article évoque les conférences qui y eurent lieu et traite de notre hobby, mais aussi des adaptations de licence, du traitement des épidémies et de l'univers lovecraftien (et j'en passe). Cela manque un peu de structure malgré une vraie sincérité dans le propos. C'est sans doute pour cela qu'on est dans la rubrique Aspirine

Vient ensuite un article sur la création du JdR, qui tient plus des réflexions personnelles de l'auteur que d'une recette pour réussir dans ce domaine, avant un article sur les PNJ émergents, c'est-à-dire ceux que le MJ doit improviser en cours de partie et qui peuvent prendre une importance notable plus tard. L'auteur donne quelques conseils qui tombent sous le sens, mais sont toujours bons à prendre. 

La suite de la rubrique Aspirine consiste en un article un peu provocateur qui fait le bilan du secteur économique rôludique et est titré "Le JdR est mort" : autant dire que cela augure du ton de l'article. Relayant un article sorti chez Monolith, il nous explique que les tarifs ont augmenté mais aussi que les retards se sont accumulés. L'ennui, avec cette vision, c'est qu'elle se présente essentiellement du point de vue du financement participatif, devenu omniprésent dans le milieu rôludique. A utiliser ce système à tort et à travers et en dépit du bon sens (et, accessoirement, du respect de ses contributeurs), c'est l'éclatement de la bulle qui menace, selon l'auteur. Cela rejoint en grande partie mes récentes récriminations au sujet du crowdfunding, cela dit. Quant à la mort du JdR, elle n'est pas pour tout de suite, je vous rassure : ce n'est pas un hobby basé sur des seuils de rentabilité, mais sur l'imaginaire. Il a survécu à la panique morale des années 80, aux cartes Magic et à Mireille Dumas : ce n'est pas la possible implosion (et encore, sans doute en mode "pétard mouillé") d'un modèle économique qui le mettra à mal. 

Je passe sur la rubrique Vous entrez dans une auberge de retour pour la dernière page et qui n'apporte rien d'autre qu'un sourire amusé, au mieux. Ce numéro était le dernier de mon abonnement. Lors de l'appel au secours lancé par sa rédaction pour en assurer la survie, j'avais souscrit pour quatre numéros.