lundi 30 septembre 2024

L'homme qui en voyait trop

Il y avait longtemps que je n'avais pas mis de scénario à disposition sur ce blog. C'est avec Maléfices que. je répare cette lacune, en vous proposant La Zone Morte, que vous pouvez télécharger ici. 

Ce scénario est adapté à un petit groupe de joueurs et peut être joué en une seule fois (c'est même ce que je recommande, afin de maintenir la tension). Il utilise le contexte de mars 1906, notamment pour son ambiance et sa conclusion. Si vous souhaitez le situer à une autre date, il vous faudra procéder à un travail d'adaptation. Lorsqu'il a été joué, l'émotion fut au rendez-vous : je crois pouvoir dire que mes joueurs n'oublieront pas de sitôt ce pauvre Paul Léfèvre. 

Bonne lecture, et bon jeu !

jeudi 26 septembre 2024

Les foulancements : demain, j'arrête

Une fois n'est pas coutume, je vais me fendre d'un petit billet d'humeur. j'ai le droit, après tout : c'est mon blog et je ne force personne à lire tel ou tel article. Voici donc l'une de mes bonnes résolutions de la rentrée.

Depuis quelques années, bon nombre de projets ludiques (et/ou rôludiques) ont fait appel au système du foulancement (ou crowdfunding). Le principe de ce système est simple et était déjà utilisé dans le cadre des souscriptions : faire un appel de fonds permettant de financer un projet en amont. A la base, cela est très louable, puisque le foulancement permettait à des projets de voir le jour alors qu'avec un modèle plus traditionnel, ils se seraient sûrement cassé le nez contre le mur de la réalité. 

Porté par quelques grosses plateformes spécialisées (on songe évidemment à Kickstarter ou à Ulule, plus près de chez nous) ou plus confidentielles (Gameontabletop ou Kisskissbankbank), un foulancement représente un engagement mutuel. En gros, le porteur de projet s'engage, si les contributions sont assez élevées, à livrer le produit, dans les délais. De plus, sil le financement fixe une somme à atteindre, certains paliers au-dessus de cette somme permettent, s'ils sont atteints, de débloquer des gratifications supplémentaires (les stretch goals). Il s'agit généralement de goodies allant du marque-page au chapitre supplémentaire d'un livre, souvent réservés aux seuls contributeurs (aussi appelés backers). 

Illustration Giphy

On ne va pas se mentir, le financement participatif utilise aussi des techniques de manipulation mentale : en promettant à ses backers de leur livrer le produit avant les autres, souvent dans une version collector et avec des goodies exclusifs (qui prendront souvent la poussière), il les caresse dans le sens du poil et peut créer l'envie, à défaut du besoin. L'utilisation des early birds, qui consiste à offrir à un prix (un tout petit peu) réduit une des récompenses pour un nombre limité de backers est également fréquente. Notons au passage que le crowdfunding, en plus de ses modes de fonctionnement bien particuliers, use et abuse d'un jargonnage en globish (qui participe sans doute aussi à forger une communauté). 

Plus d'une fois, le foulancement permit ainsi à des petits créateurs de mener à bien des projets qui n'auraient sans doute pas vu le jour sans ce système. Il a permis aussi la création de produits ambitieux, menés par des éditeurs qui n'auraient sans doute pas investi autant sans cette avancée de trésorerie. 

Mais, rapidement, des dérives sont apparues et nombreux furent les porteurs de projets qui donnèrent un vilain coup de canif dans le contrat : le produit final était bien différent de celui initialement promis, les délais explosaient régulièrement (les exemples abondent) et, dans certains cas, n'aboutissaient jamais : certains se sont barrés avec la caisse et courent toujours, après avoir fait baver pas mal de monde avec l'idée du siècle. 

A titre personnel, j'ai suivi, ces dernières années 33 foulancements, sur diverses plates-formes et pour divers projets, allant du livre au gros jeu de plateau. Indépendamment du type de projet et de la plate-forme de support, seuls 24 % des projets furent livrés dans les temps annoncés ! Si l'on se penche sur les retards, ceux-ci vont de 1 à 36 mois (record qui sera probablement battu par le seul projet que j'attends encore). Et, souvent, les excuses invoquées pour ces retards ne sont pas recevables (le coup du "Désolés, on ne l'avait pas prévu, c'est le Nouvel An Chinois" me reste en-travers de la gorge, personnellement). 

Illustration Giphy

Au-delà du respect des délais, la satisfaction à réception ne fut pas toujours au rendez-vous. Entre ce que l'on fit miroiter au lancement du projet et ce qui fut livré, il y a parfois un écart. 

Alors, oui, le système du financement participatif est parti d'une bonne idée (qui reprenait peu ou prou le principe des souscriptions, cher à certains petits éditeurs littéraires) : permettre à des créateurs de se lancer, sans avoir la trésorerie nécessaire. Mais trop de promesses non tenues (ou mal tenues) et le recours systématique à cette méthode, y compris lorsque ce n'est plus justifié (vous ne me ferez pas crois que certains éditeurs n'ont pas le cash nécessaire) ont dévoyé une chouette idée. Et ne parlons pas de ceux qui lancent un financement très en amont, sur la base d'une simple idée, sans avoir posé le moindre début de planning. On en aurait mis dehors pour moins que ça dans n'importe quelle industrie.

Après avoir participé à une vingtaine de projets, je renonce donc à ce mode de financement, les mauvaises expériences n'étant pas compensées par les bonnes (hélas moins nombreuses). Oui, je me prive ainsi de certaines exclusivités (mais je suis prêt à parier que le marché de l'occasion me les fournira si besoin) et oui, je punis tout le monde (mais le modèle me survivra, je ne suis pas inquiet). 

Je ne suis pas sûr que ce billet (qui ne reflète que ma position personnelle) soit lu, voire apprécié. Mais, comme je le disais en exergue, c'est un billet d'humeur ou, pour le dire autrement et paraphraser un grand philosophe : je te dis pas que c'est pas injuste. Je te dis que ça soulage. 


Illustration Giphy



mardi 24 septembre 2024

Gros Fumble !

Cela mérite bien un flash infos spécial. Même si on l'avait pressenti, après l'annonce de la semaine dernière, qui expliquait que le magazine ne serait plus disponible en abonnement, mais seulement via financement (grosso merdo), c'est aujourd'hui confirmé : Casus Belli s'arrête. 

En tout cas, dans sa formule actuelle (sa quatrième incarnation), c'en est donc fini de ce vénérable titre de la presse rôludique française. En l'état actuel de la presse écrite (qui plus est dans un secteur qu'on peut encore qualifier de niche), avec une proposition souvent maladroite (un magazine trop gros, un contenu pas toujours pertinent, des news souvent dépassées et un prix prohibitif), c'est déjà une belle performance que d'avoir tenu 50 numéros. 

Il reste à savoir si une nouvelle incarnation de ce phare de la presse rôludique française verra le jour. Malgré tous ses défauts, Casus Belli laisse un grand vide. 

dimanche 22 septembre 2024

Blade Runner, le kit de démarrage

Cela faisait déjà un certain temps que j'attendais la parution en français du jeu de rôle Blade Runner, à la fois par curiosité et aussi parce que le film du même nom est un de mes préférés. 

Illustration Arkhane Asylum Publishing

Le kit de démarrage est contenu dans une belle boîte, toute noire et laquée. A l'intérieur, se trouvent deux livrets (l'un contenant les règles, l'autre le scénario), une carte de L.A., les fiches de pré-tirés, des dés, une enveloppe contenant les documents destinés aux joueurs et un paquet de cartes.

Oui, une fois de plus, il manque un écran, même rudimentaire : ça reste tout de même un élément incontournable de toute bonne tablée de JdR. L'absence de cet accessoire (qui ne l'est pas, justement) est étonnant (ou pas), surtout si on annonce que ce kit peut s'adresser aux débutants. 

Sur la forme, il y a peu de choses à redire : c'est très beau, très léché, très noir aussi. Certes, les textes sur fond noir peuvent être désagréables à lire (surtout passé un certain âge) mais le thème du jeu imposait presque cette esthétique. Les illustrations sont plutôt belles et instillent l'ambiance attendue. 

Attaquons maintenant le livre de règles et de contextes. Blade Runner, le jeu, se place entre les deux films, en 2037. Les joueurs y incarnent des...Blade Runners, pouvant être des réplicants (des Nexus 9, puisque ça a rudement évolué depuis ceux qu'affronta Rick  Deckard)

Le système est basé sur le Year Zero Engine, mais utilise, cette fois, des dés allant du D6 au D12. Voilà qui représente une couche de difficulté supplémentaire (quoique). Les joueurs lancent un certain nombre de dés et chaque 6 ou plus est un succès, sachant qu'il en faut généralement un seul. Les échecs causent des états, de même que la possibilité de relancer les dés. Trop d'états (physique ou mental) et le personnage est hors... d'état, justement. A noter que le succès sont représentés par un œil, les échecs par des licornes. 

Illustration Arkhane Asylum Publishing

Les cartes fournies dans la boîte serviront dans les scènes de combat et de poursuite : elles sont dans le même ton, esthétiquement parlant que le reste du jeu. La carte représente une partie du L.A. de 2037 et permet d'avoir une idée de l'emplacement de certains points importants. Elle est plutôt réussie et apporte un petit plus à l'ambiance (coucou Berlin XVIII). 

Viennent ensuite les fiches de personnages pré-tirés : cela peut faire tiquer les joueurs chevronnés qui risquent de vouloir jouer un personnage qu'ils auraient créé. Il leur faudra donc bricoler un peu ou attendre le livre de base pour le faire, les kits d'initiation ne permettant pas la création de personnages. 

L'enveloppe kraft fournie contient les documents à remettre aux joueurs lors du déroulement du premier dossier scénario  qui remplit le deuxième livret. Ce dernier est plutôt bien foutu et respectueux de l'univers, quoiqu'assez simple. Cependant, l'œuvre originelle (je parle du premier film) ayant déjà tout dit (ou presque), il est difficile d'envisager des scénarios autres qu'inférieurs en ambition : celui présent dans la boîte est annoncé comme le premier d'une longue campagne, qui sera publiée au fur et à mesure de l'avancée de la gamme, et dont les scénarios peuvent être joués dans n'importe quel ordre et entrecoupés par d'autres scénarios. J'avoue rester perplexe devant pareille intention : verra-t-on la fin de cette campagne ? Et, surtout, en vaut-elle la peine ? 

Bref, si je doute que pareille promesse soit tenue, je donne à l'éditeur le bénéfice du doute. Mais, d'un autre côté, si je devais faire jouer Blade Runner (et on me dit dans l'oreillette que c'est très probable), sans doute utiliserais-je ce premier dossier.

En refermant la boîte, c'est avec un a priori très positif : ce kit de démarrage bien rempli et plutôt joli en donne pour son argent et, surtout, donne envie d'aller plus loin (c'est le but, je pense). Espérons que la gamme suivra !


Blade Runner, kit de démarrage
Arkhane Asylum Publishing
Auteur principal : Tomas Harenstam
Illustrations : Gustav Ekelund
Prix conseillé : 47,50 € 



lundi 9 septembre 2024

Alea Jacta Est, comme disait l'autre...

Si, comme moi, vous ne faites jouer que vos propres scénarios (ou presque), il a pu vous arriver de faire face à une panne d'inspiration, fût-elle momentanée. Le remède consiste souvent à attendre que ça passe, en changeant d'air (personnellement, une marche en forêt, c'est radical), mais si vous êtes sous le coup de l'urgence, pourquoi ne pas faire appel à des générateurs de scénarios ?
Je n'évoque pas ici l'apport discutable des intelligences (très) artificielles, qui devraient bientôt produire des scénarios à la chaîne. Les outils dont il est question permettent de jeter des bases, laissant au scénariste mettre de la viande sur le squelette. 

Pour ce benchmark banc d'essai, imaginons que je manque d'inspiration pour ma prochaine session de Barbarians of Lemuria. Dans les faits, ce n'est pas le cas, les prochains scénarios de la chronique que nous jouons sont déjà bien avancés, d'ailleurs. Sans trop m'avancer, je pense que l'exercice est applicable à un panel assez large de JdR médiévaux-fantastiques (ou pas).

C'est parti pour le test !

A tout seigneur, tout honneur, l'un des pionniers en la matière est le Giannirateur (dans sa version originelle) : pour l'utiliser, il vous faudra disposer de quelques dés (1D6, 1D30 et 1D100) et... d'une bibliothèque. Six livres seront tirés au sort pour boucher les trous de la formulation suivante : "The Player Characters start their adventure in their home town/hex/current location in the campaign. __________ asks the PCs to go to __________ to retrieve __________. The PCs will end up fighting against __________ in __________. During the course of the adventure, __________ will feature prominently" (soit, en VF : les PJ démarrent leur aventure à leur position actuelle dans la campagne. ____ leur demande d'aller à ____ pour retrouver _____. Ils finiront par combattre ____ dans ____. Durant le déroulement de l'aventure, _____ se produira au moment adéquat).

J'utilise ma bédéthèque et deux de ses étagères : notons au passage que le D100 utilisé pour choisir une page devra être relancé assez souvent, bien peu de BD dépassant les 100 pages. 
  • Le premier livre sélectionné est Crache (Kheridine/Gratien) et la page choisie est la 25: j'y choisis Hermès le Télépathe. 
  • Vient ensuite Arthur le combattant (tome 2 de la série de Chauvel/Lereculey/Simon) . A la page 9, je sélectionne le feu de camp au milieu de la forêt.
  • Puis, dans L'ami Javin (Le Tendre/Loisel/Lidwine), à la page 7, je choisis le jeune Bragon
  • Ensuite, dans Le livre de sang (Le Tendre/Simeoni), je pioche La Meffraye, inquiétante "sorcière", à la page 13.
  • Le tirage suivant est presque identique et désigne l'album suivant de la série : La voix de l'Ours. Sa page 43 utilise la place de la ville et le pont qui la quitte. J'hésite entre ces deux lieux et me déciderai plus tard. 
  • Enfin, le dernier livre choisi est Mademoiselle Baudelaire (Yslaire) : à la page 93, le poète entre chez Mademoiselle Duval et lui offre des fleurs et un bijou

En transposant tout cela, voilà ce qu'on obtient : Les PJ démarrent leur aventure à leur position actuelle dans la campagne. Un télépathe leur demande d'aller dans un camp en pleine forêt pour retrouver un apprenti chevalier. Ils finiront par combattre une sorcière sur un pont. Durant le déroulement de l'aventure, un joyau sera offert à une femme. 

En secouant tous ces éléments, se profile vite un synopsis plutôt inspirant : 
Les PJ sont missionnés par un des sages de la cité où ils résident/ont fait halte. Ce dernier, doué de capacités mentales hors du commun, a localisé par télépathie le futur sauveur de la cité, menacée par une terrifiante sorcière. Une antique prophétie annonce en effet qu'il est porteur du talisman seul capable de terrasser cette menace. Le héros en question est un jeune chevalier errant, que les PJ finissent par découvrir au cœur d'une épaisse forêt (ils peuvent être amenés à l'assister lors d'un combat périlleux). Après l'avoir convaincu de les suivre, ils atteignent la cité alors que les hordes menées par la sorcière arrivent. S'en suit un duel contre cette dernière, dont l'issue repose sur l'utilisation du joyau possédé par le jeune chevalier. 

Vous, je ne sais pas, mais je trouve que ça a de la gueule, rien qu'à ce stade. Le synopsis obtenu ouvre de belles perspectives : le Giannirateur vient de prouver son efficacité en générant ce qui pourra donner une belle aventure, à condition évidemment de l'enrichir.

vendredi 6 septembre 2024

Jeu de Rôle Magazine, numéro 65

Les abonnés à JdR Magazine ont vu arriver dans leur "butin numérique" (vérifiez bien si vous l'attendez, le courriel est souvent identifié en spam) la version numérique du numéro 65 de la revue. Voilà une agréable surprise : la presse rôludique serait-elle capable de ne pas être en retard ? 

Jetons un rapide coup d'œil au contenu de ce numéro, où le cinquantenaire de notre hobby tient une place importante. 



Le magazine s'ouvre avec un article sur le festival de Senlis, consacré aux 50 ans du JdR,  qui aura lieu lors des journées du Patrimoine (bientôt, donc). Vient ensuite un entretien avec Black Book Editions/GameOnTable Top. J'avoue ne pas l'avoir lu, étant de plus en plus allergique aux foulancements et aux graphiques et autres tableaux : l'article ravira sûrement les fans d'Excel. On passe ensuite à un entretien (intéressant) avec l'auteur d'Argyropée (dont on apprend pas mal de choses) et Speedrun RPG (dont on n'apprend rien). 

Vient ensuite un gros dossier sur... le colloque consacré aux cinquante ans du JdR. Oui, comme dans le numéro précédent. Cette fois, l'approche est plus pratico-pratique que pleine des théories évoquées lors du numéro 64 et le dossier est franchement plus intéressant. 

C'est à la page 38 que JdR Mag commence à se pencher sur des jeux. En l'occurrence, il s'agit de Légendes du Nouveau Soleil  (d'après les romans de G. Wolfe), de Défis Fantastiques (d'après la collection de livres dont vous êtes le héros) et d'Horrifique (qui émule l'horreur lovecraftienne en utilisant le système PbtA). Chaque fois, ce sont des retours plutôt positifs pour ces jeux, hormis Défis Fantastiques, qui semble pêcher sur la forme. 

Côté scénarios,  les jeux à l'honneur sont Cryptomancien (avec un gros scénario), Tunnels & Trolls et Vampire : La Mascarade. Eclectique, non ? Vient ensuite, un jeu complet, basé sur le film Very Bad Trip, ne nécessitant qu'un jeu de cartes et auquel je laisse le bénéfice du doute. Le principe de narration partagée, sur lequel il repose, conditionne la réussite de l'expérience. 

La rubrique Inspi revient sur la série Shôgun, qui est sur ma liste "à voir", puis la rubrique Aspirine qui ne me convainc décidément pas, évoque les bannières que le MJ peut disposer sur son écran et indiquer, par exemple, qu'il faut se lancer dans le roleplay ou que la scène en cours est dramatique. Heureusement, cet article est bref (hum).

C'est un numéro bien rempli et avec moins de coquilles que cette cuvée. J'ai peur d'y avoir repéré quelques illustrations générées par IA et espère me tromper.