lundi 9 septembre 2024

Alea Jacta Est, comme disait l'autre...

Si, comme moi, vous ne faites jouer que vos propres scénarios (ou presque), il a pu vous arriver de faire face à une panne d'inspiration, fût-elle momentanée. Le remède consiste souvent à attendre que ça passe, en changeant d'air (personnellement, une marche en forêt, c'est radical), mais si vous êtes sous le coup de l'urgence, pourquoi ne pas faire appel à des générateurs de scénarios ?
Je n'évoque pas ici l'apport discutable des intelligences (très) artificielles, qui devraient bientôt produire des scénarios à la chaîne. Les outils dont il est question permettent de jeter des bases, laissant au scénariste mettre de la viande sur le squelette. 

Pour ce benchmark banc d'essai, imaginons que je manque d'inspiration pour ma prochaine session de Barbarians of Lemuria. Dans les faits, ce n'est pas le cas, les prochains scénarios de la chronique que nous jouons sont déjà bien avancés, d'ailleurs. Sans trop m'avancer, je pense que l'exercice est applicable à un panel assez large de JdR médiévaux-fantastiques (ou pas).

C'est parti pour le test !

A tout seigneur, tout honneur, l'un des pionniers en la matière est le Giannirateur (dans sa version originelle) : pour l'utiliser, il vous faudra disposer de quelques dés (1D6, 1D30 et 1D100) et... d'une bibliothèque. Six livres seront tirés au sort pour boucher les trous de la formulation suivante : "The Player Characters start their adventure in their home town/hex/current location in the campaign. __________ asks the PCs to go to __________ to retrieve __________. The PCs will end up fighting against __________ in __________. During the course of the adventure, __________ will feature prominently" (soit, en VF : les PJ démarrent leur aventure à leur position actuelle dans la campagne. ____ leur demande d'aller à ____ pour retrouver _____. Ils finiront par combattre ____ dans ____. Durant le déroulement de l'aventure, _____ se produira au moment adéquat).

J'utilise ma bédéthèque et deux de ses étagères : notons au passage que le D100 utilisé pour choisir une page devra être relancé assez souvent, bien peu de BD dépassant les 100 pages. 
  • Le premier livre sélectionné est Crache (Kheridine/Gratien) et la page choisie est la 25: j'y choisis Hermès le Télépathe. 
  • Vient ensuite Arthur le combattant (tome 2 de la série de Chauvel/Lereculey/Simon) . A la page 9, je sélectionne le feu de camp au milieu de la forêt.
  • Puis, dans L'ami Javin (Le Tendre/Loisel/Lidwine), à la page 7, je choisis le jeune Bragon
  • Ensuite, dans Le livre de sang (Le Tendre/Simeoni), je pioche La Meffraye, inquiétante "sorcière", à la page 13.
  • Le tirage suivant est presque identique et désigne l'album suivant de la série : La voix de l'Ours. Sa page 43 utilise la place de la ville et le pont qui la quitte. J'hésite entre ces deux lieux et me déciderai plus tard. 
  • Enfin, le dernier livre choisi est Mademoiselle Baudelaire (Yslaire) : à la page 93, le poète entre chez Mademoiselle Duval et lui offre des fleurs et un bijou

En transposant tout cela, voilà ce qu'on obtient : Les PJ démarrent leur aventure à leur position actuelle dans la campagne. Un télépathe leur demande d'aller dans un camp en pleine forêt pour retrouver un apprenti chevalier. Ils finiront par combattre une sorcière sur un pont. Durant le déroulement de l'aventure, un joyau sera offert à une femme. 

En secouant tous ces éléments, se profile vite un synopsis plutôt inspirant : 
Les PJ sont missionnés par un des sages de la cité où ils résident/ont fait halte. Ce dernier, doué de capacités mentales hors du commun, a localisé par télépathie le futur sauveur de la cité, menacée par une terrifiante sorcière. Une antique prophétie annonce en effet qu'il est porteur du talisman seul capable de terrasser cette menace. Le héros en question est un jeune chevalier errant, que les PJ finissent par découvrir au cœur d'une épaisse forêt (ils peuvent être amenés à l'assister lors d'un combat périlleux). Après l'avoir convaincu de les suivre, ils atteignent la cité alors que les hordes menées par la sorcière arrivent. S'en suit un duel contre cette dernière, dont l'issue repose sur l'utilisation du joyau possédé par le jeune chevalier. 

Vous, je ne sais pas, mais je trouve que ça a de la gueule, rien qu'à ce stade. Le synopsis obtenu ouvre de belles perspectives : le Giannirateur vient de prouver son efficacité en générant ce qui pourra donner une belle aventure, à condition évidemment de l'enrichir.


Un autre modèle de générateur (qui est une évolution du Giannirateur) nous est proposé sur le site Loukoum Online (oui, je favorise les habitués de ce blog). Là aussi, on se base sur une sélection de livres (au sens large du terme) après avoir désigné six d'entre eux à l'aide d'un dé adapté.
Dans chacun de ceux qui seront tirés au sort, il faut désigner au hasard une page et choisir librement un élément, écrit ou dessiné dans cette dernière. En renouvelant l'opération, on obtient un Commanditaire, une Destination, un Objectif, un Antagoniste, un Théâtre et un Élément intéressant.
Pour compléter tout cela, deux lancers d'1D20 permettent de choisir l'action que doivent réaliser les PJ ainsi que leur motivation (grâce à deux tables).

Testons donc ce générateur, toujours avec Barbarians of Lemuria
J'utilise cette fois encore la bédéthèque et décide de ne considérer que les 100 premiers ouvrages. Pour désigner la page, je me limite aux trente premières. 
Voici les résultats :

Commanditaire : le D100 donne 06, le livre sera Lanfeust de Troy (tome 2), le D30 m'envoie en page 16 où je choisis les Erudits du Conseil (choix évident, d'ailleurs).
Destination : avec un 16 sur le D100, c'est le tome 1 de L'Héritier de l'Empire qui est choisi, tandis que le D30 m'envoie à la page 10, où figure la célèbre Cantina de Mos Esley (là, je vais devoir adapter un tout petit peu).
Objectif : les choses se compliquent un tout petit peu, puisque le D100 désigne le tome 2 de Fairy Quest où, la page 20, nos héros sont face à un Troll réclamant un droit de passage. 
Antagoniste : le 66ème livre de la rangée est le tome 1 des Eaux de Mortelune et sur la page 8 apparait le prince de Mortelune (masqué)
Théâtre : cette fois, le livre élu est le tome 3 de Thorgal ("Les trois vieillards du Pays d'Aran"), où l'on découvre en page 11 une forteresse au milieu d'un lac. Voilà un beau décor !
Elément Intéressant : le dernier lancer de dé pointe vers le tome 3 de La Quête de l'Oiseau du Temps ("Le Rige", mon préféré, ça tombe bien), où Bragon combat une créature dans une fosse emplie de vase. 

Sur les deux tables complémentaires, j'obtiens 7 (soit Elucider pour l'action) et 10 (la motivation sera Solidarité).

Dans sa version brute, la proposition serait donc : "Les PJ sont envoyés par des sages dans une taverne mal famée afin d'obtenir un droit de passage, alors qu'un aristocrate masqué veut les en empêcher Tout ceci a lieu dans une île fortifiée et ils devront traverser un marécage dangereux". En intégrant l'action et la motivation déterminées plus haut, on peut tordre un peu cette proposition ; en cherchant à comprendre ce qui motive l'aristocrate en question, ils peuvent finalement pencher en sa faveur (ou pas). 

Après quelques coups de rabot, j'obtiens le synopsis suivant, déjà très exploitable : 
Dans une taverne mal famée, les PJ sont secrètement missionnés par le conseil des sages de la ville où ils se trouvent. Ces derniers leur demandent de se rendre dans une forteresse située au milieu d'un lac et faisant office de point de passage entre différentes contrées. Là, ils devront rencontrer l'émissaire d'un pays voisin afin d'y négocier la fin du blocus des voies commerciales avec sa contrée natale. Mais, au cours de ces négociations, ils vont découvrir les vraies motivations derrière ce blocus : ils devront alors prendre parti, quitte à tourner le dos à leur commanditaire.
Vous, je ne sais pas, mais je trouve cette proposition carrément emballante et digne d'alimenter un scénario, voire plusieurs. Là aussi, ça valide sans problème le générateur !


Dernier générateur testé pour ce billet, celui inclus dans le livre de base de Barbarians of Lemuria (ça tombe bien, non ?)

Là, il s'agit simplement d'utiliser les tables aléatoires de la fin du livre de base, à grands coups de D6. Mes lancers successifs me permettent de générer l'aventure suivante, qui porte le titre de Krongar et le Trésor de la Côte de Feu. Rappelons au passage (pour ceux qui ne connaissent pas ce jeu) que Krongar est le personnage cité pour la plupart des exemples illustrant le système de jeu et qu'il a l'honneur de servir de titre aux scénarios générés avec les tables en annexe du livre de base. Il symbolise, en quelque sorte, le groupe de PJ.

Les lancers de D6, sur les différentes tables proposés dans l'annexe me donnent les éléments suivants :
La mission de Krongar est de protéger une chose. La chose en question est un trésor : la Couronne de la Mort Hideuse (tout un programme !). il entreprend cette mission parce qu'on l'a engagé pour le faire. Son ennemi est un marchand cupide. Le Dieu Iondal le Débauché interviendra dans la saga (le D6 a donné un 6 à l'étape 11) 

Evidemment, il faut enrichir tout cela, même si ce pitch donne déjà un bel aperçu de ce que sera l'aventure : notre héros (ou nos héros, s'il y a plusieurs PJ) a été engagé pour protéger cette fameuse Couronne, qui pourrait être une relique de très grande valeur. Le marchand cupide peut chercher à mettre la main sur cette couronne parce qu'elle est incrustée de diamants (ou autres pierres précieuses). Quant à l'intervention d'Iondal (pas le dieu le plus facile à utiliser dans ce jeu), elle pourrait être provoquée par ce fichu marchand, qui aurait cherché à mettre le vol qu'il commandite sur le dos de ses fidèles. 

Une fois ce brainstorm achevé, on obtient le synopsis suivant :
Krongar est embauché par un prêtre de Sartala pour s'emparer de la Couronne de la Mort Hideuse, un joyau ancien composé de diamants noirs, afin qu'elle rejoigne sa place légitime : un temple d'Urceb. Durant le voyage, il est attaqué par des voleurs se revendiquant du Dieu de la Débauche, semblant bien informés de sa mission. Mais Krongar vainc les brigands et comprend qu'il a été berné. Ses assaillants peuvent décrire leur commanditaire, qui ressemble fort au prêtre qui l'embaucha. Ce dernier attend la Couronne non loin et, quand Krongar lui fait face, avoue avoir fomenté ce plan pour s'emparer des diamants noirs. S'en suit un combat final, car l'homme dispose d'une garde redoutable et compte bien garder le trésor. 

Evidemment, ça sent fort le sword and sorcery, mais c'est normal : Barbarians of Lemuria émule ce style (avec brio). Là aussi, même s'il y a plus de travail d'enrichissement, le générateur fonctionne. Cela dit, c'est celui des trois qui me convainc le moins (même si cela donnerait sans doute une belle session de jeu). 

Alors, quel est le résultat de ce banc d'essai ? 
Tout d'abord, la première conclusion saute aux yeux : les générateurs de scénarios, ça marche plutôt bien. Le type de jeu choisi y est sans doute pour beaucoup, mais les trois outils testés donnent des résultats plus ou moins heureux, vous l'aurez remarqué. Comme dit en introduction, c'est surtout une base que peut produire un générateur, aussi bien foutu soit-il.

Et vous, utilisez-vous ces outils ? En connaissez-vous d'autres ?






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