Si vous êtes un vieux rôliste, vous vous souvenez peut-être de la Gamme Universom, proposée par Siroz (oui, l'ancêtre d'Asmodée). Composée de quatre jeux (Silrin, Koros, Whog Shrog, Berlin XVIII), elle proposait des univers de science-fiction originaux utilisant un système de jeu commun. Chacun des jeux de la gamme contenait un écran et les livrets nécessaires (règles, univers et scénarios). Quand on y pense, la démarche est proche de celle d'éditeurs plus récents : BIA ou Tenebrae, par exemple, incluent tout le package de base (règles, background, scénarios et écran).
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Illustration Grog |
Avec le temps, Berlin XVIII est celui des quatre jeux de la gamme Universom qui aura eu la plus longue longévité et sans doute la fanbase la plus large. Après trois éditions chez Siroz (ça ne nous rajeunit pas), ce jeu bénéficiait toujours d'une certaine aura chez les rôlistes. Ce croisement improbable entre Hill Street Blues (pour les personnages), Blade Runner (pour l'univers) et Robocop (pour l'ambiance) a, avec les années, gagné une solide réputation et avait ses fans. Sa troisième édition semblait solide, malgré un système injecté à la hâte et pondu par Croc. Elle donnait en tout cas à Berlin XVIII un supplément d'âme, notamment en présentant tout le staff de la Falkhouse.
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Illustration Grog |
Choix radical pour la quatrième édition : ce sont deux systèmes de jeu assez différents qui étaient proposés. D'un côté, le désormais inévitable PbtA et, de l'autre FATE (plus cinématographique). Au-delà de l'audace du choix, on pouvait légitimement s'interroger sur ce que cela augurait. Cela signifierait-il que le suivi "officiel" du jeu allait nous proposer des scénarios utilisant les deux motorisations ? Ou qu'une seule serait privilégiée, selon les préférences des joueurs ?
On pourrait dire du financement participatif qu'il fut lancé en dépit du bon sens : démarré en plein été, sur une période trop courte (ça, c'est mon avis), doté d'une communication plus que légère et avec l'impossibilité de payer en carte bancaire. Au niveau des malus sur le jet de réussite, on partait mal. Ajoutons à cela des paliers pas très clairs (et à des tarifs assez décourageants), autant dire que les planètes n'étaient pas vraiment alignées.
Si le financement fut un succès, ce dernier fut relatif (sans doute pour les causes invoquées plus haut) : dépasser 200 % des attentes, pour un jeu qu'on qualifiait de "culte", c'était finalement assez peu. Il ne restait plus qu'à attendre l'arrivée des produits chez les souscripteurs. L'attente fut longue, puisque le projet accusa un retard de 18 mois, sans grande communication de la part de l'éditeur (qui, au cours de ses rares communiqués, incitait les souscripteurs à financer son prochain projet, puis à remonter les corrections sur la version "béta" du jeu). Ce qu'on pourrait qualifier (au mieux) de maladresse joua aussi en la défaveur du projet.
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Illustration Gameontabletop |
On ne va pas se mentir, quand les contreparties pointèrent enfin le bout de leur nez chez les souscripteurs, ce fut surtout la déception qui l'emporta (en tout cas, chez moi). Sans doute étais-je trop attaché à "ma" vision de Berlin XVIII et mon opinion s'en ressentit sûrement. Avec le recul, cependant, c'est plus l'impression d'un rendez-vous raté qui s'ompose.
Le livre de règles pour la partie Powered by the Apocalypse présente le même défaut que la plupart de ceux que j'ai pu feuilleter avec cette motorisation : il reste assez hermétique à celles et ceux qui n'ont jamais pratiqué ce système. Tout porte donc à croire que, pour jouer avec ce système, il faut assister à une partie et en comprendre le mode de fonctionnement. D'un point de vue esthétique, le livre est beau, il faut le reconnaître. La présence d'un scénario (pardon, un dossier) "pilote" et d'une saison complète ajoute un plus à ce livre.
De l'autre côté, la deuxième version du livre de règles utilisait la motorisation FATE, plus proche de la tradition, simple et autorisant un traitement plus dynamique de l'action et de l'intrigue (ce n'est, encore une fois, que mon avis). Cette deuxième mouture du jeu contient pas mal de contenu en commun avec la précédente (notamment la partie historique, qui explique comment notre monde en est arrivé là).
Là où c'est plus embêtant, c'est qu'il y a dans ces livres de règles des éléments qui sont présents dans l'un et pas dans l'autre. Est-ce à dire qu'il faut compulser les deux pour pouvoir jouer à Berlin XVIII ? Ou que les dits éléments (au hasard les effectifs de la Falkhouse Falkhaus) ne sont applicables que dans une configuration ?
Après avoir parcouru les deux livres de base, je n'ai toujours pas compris pourquoi le choix avait été fait (ou pas, finalement) de proposer deux motorisations pour ce jeu et, qui plus est, deux systèmes assez "typiques" et pas vraiment fédérateurs. C'est sans doute une des raisons de l'échec de cette édition (mais ceci, encore une fois, n'est que mon humble avis).
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Illustration Philibert |
Le livre de contexte (Zulunft Kommt) est typique des suppléments misant tout sur la forme. S'il a permis au maquettiste de s'éclater, il n'apporte que peu d'éléments utilisables pour les futurs Maîtres de Jeu (oui, je sais, cette appellation date). Cerise sur le gâteau, il n'est pas exempt de coquilles, la plus belle s'affichant sur la couverture.
L'écran est de bonne facture et est sans doute le plus réussi des éléments de cette édition. Si je ne suis pas très fan du style d'illustration choisi, ce paravent en trois volets A4 (format portrait) fait sans doute le job. Comme il est censé être utilisable pour les deux motorisations du jeu, il ne comporte, du côté du Maître de Jeu, aucune donnée "technique", mais liste, par exemple, les codes radio chers aux Falks et propose (entre autres), des tables d'événements aléatoires.
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Illustration Gameontabletop |
Finissons l'inventaire avec le dernier élément (enfin, pour moi, je n'avais pas pledgé la plaque métallique) : le plan du Secteur XVIII, format A2, plastifié, au verso duquel on retrouve le plan de la Falkhaus. Ce qui semblait sur le papier une excellente idée s'avère être une catastrophe à la réalisation. Illisible (ou alors, j'ai beaucoup perdu en acuité visuelle) et surchargé, ce qui devait être l'aide de jeu numéro un (en cours de partie) s'avère inutilisable. J'ai déjà râlé à ce sujet ailleurs, mais je ne comprends pas qu'on puisse valider l'impression d'un tel truc.
Il est assez évident, aujourd'hui, que la gamme Berlin XVIII chez 500NDG est morte-née. Aucun supplément n'est paru, ni annoncé, ni prévu (remarquez, ça résout la question du système, que je soulevais plus haut). C'est dommage, à mes yeux, parce que ce jeu a sans doute encore pas mal de choses à dire. Sera-ce pour une cinquième incarnation ?