Voilà, c'est fini : au bout de trois sessions de jeu, la tablée Maléfices que je dirige est (enfin) venue à bout d'Enchères sous pavillon noir, un des scénarios "officiels" de ce vénérable jeu (et qui ne fait pas partie de ceux qu'AAP va ré-éditer à l'occasion de la quatrième édition). C'est l'occasion de faire un ultime debriefing, incluant notamment les retours des joueurs qui vécurent ce scénario.
Résumons rapidement ce qui s'est passé durant ce troisième volet, après un premier épisode plutôt frustrant et un deuxième franchement réussi. Ce qui suit révèle grandement le contenu du scénario et, si vous comptez le jouer un jour, je vous conseille de ne pas aller plus loin.
La troisième et dernière partie d'Enchères sous pavillon noir se déroule en Guadeloupe. A cette période de l'histoire, c'est loin d'être une destination touristique et les personnages ayant traversé l'Atlantique, ils sont accueillis à leur arrivée par la fameuse Mama Tas de Fer qui leur propose une collaboration pour trouver le fameux trésor. Evidemment, rien ne va se passer comme prévu : Mama Tas de Fer est en effet une sorcière vaudou qui compte utiliser les personnages pour parvenir à ses fins.
Je vous rassure (ou pas) : l'histoire finit plutôt bien, puisque nos courageux héros finissent par vaincre Mama Tas de Fer (et son complice flibustier). L'un de mes joueurs a d'ailleurs eu une chance insolente lors de ses lancers de dés pendant l'affrontement final. Ce ne fut pas le cas pour tout le monde, mais au final, les personnages se retrouvent en possession d'un colossal butin : leur vie peut maintenant changer du tout au tout, au point que la question se pose de retourner à leur vie d'avant. Et si c'était une manière de tomber le rideau, pour cette tablée ?
Image Pixabay |
Cette expérience rôludique a fait ressortir plusieurs carences du scénario, que ses qualités ne contrebalancent pas toujours. Ce fut surtout le cas dans sa première partie et voici quelques remarques qui pourraient être utiles à des MJ désireux de faire jouer Enchères sous pavillon noir.
L'implication des personnages est importante. A l'époque de la publication du scénario, je jouais essentiellement des one-shots et peu m'importait (de même qu'aux joueurs) la façon de faire entrer les PJ dans l'histoire. Aujourd'hui, c'est une approche façon série qui prédomine et il est hors de question de décréter que les personnages séjournent dans un sanatorium en Autriche, par exemple. Dans le cas précis d'Enchères sous pavillon noir, il faut que l'un des PJ soit un descendant du peintre Jean Carrère et qu'il ait envie de se pencher sur son histoire. De même, il va devoir entraîner ses compagnons d'abord dans la vente aux enchères inaugurales, puis dans une aventure qui les emmènera loin. Pour ma part, j'ai utilisé un PNJ attachant, parce que je savais que cela fonctionnerait avec la joueuse ciblée, avant de faire confiance à la curiosité naturelle des PJ pour poursuivre la chasse au trésor. Après échange avec les joueurs, ceux-ci m'ont confié que leurs personnages étaient plus motivés par ce qu'ils pouvaient apprendre sur cette curieuse histoire de pirates que par l'appât du gain. J'avais pourtant signifié que les fins de mois de leurs personnages étaient difficiles, ces derniers temps, mais cela n'a pas été le levier de leur implication, donc.
Armés de ce qu'ils trouvent dans la malle acquise lors de la vente, puis au Musée de la Marine, il faudrait, si on se fie au scénario publié, que les PJ décident d'aller à Saint-Brévin-l'Océan, puis à La Rochelle. C'est loin d'être évident et l'expérience l'a prouvé. On touche ici la plus grosse lacune d'Enchères sous pavillon noir. S'ils sont entrés dans l'histoire via le récit de Carrère, ils peuvent avoir envie de suivre cette piste et c'est ce qui s'est produit à ma table. Il a donc fallu bricoler une étape supplémentaire, que j'ai choisir de placer à Brest : Jean Carrère, une fois libéré par l'Olonnois, choisit de s'installer là-bas et de ne plus peindre que les navires situés en rade de sa ville. Sa maison passera d'héritier en héritier, jusqu'à être vendue par les parents de l'Oncle Anselme. Le nouveau propriétaire tentera, sans grand succès, d'en faire un hôtel restaurant pour les marins faisant étape ici. La rencontre avec cet homme aigri a permis d'amener une belle dose d'émotion, dans une bâtisse évoquant de lointains souvenirs d'enfance chez la nièce d'Anselme.
Détail amusant : en quittant la maison qui fut celle de ses grands-parents, cette PJ a le pressentiment qu'elle y reviendra un jour. Plus tard, quand ils décident de partir pour les Antilles, les PJ reviennent à Brest, d'où part le vapeur qui les emmènera à Pointe-à-Pitre. Naturellement, ils choisissent de loger dans l'auberge en question.
En dehors de l'histoire de Carrère (résolue comme je viens de le décrire), les PJ peuvent aussi se pencher sur celles des autres flibustiers : en dehors de Marie Bonneval et de Yannick Kervaden, ils ne sont guère évoqués, alors qu'ils sont tout aussi importants. L'étape (créée de toutes pièces) brestoise a permis également d'évoquer Pierre Gavagnin et Manuel Nexon, afin de ne pas les laisser dans l'ombre.
L'étape de Saint-Brévin, pour iconique qu'elle soit, comprend aussi quelques lacunes. Comment expliquer pourquoi personne n'a tenté, depuis toutes ces années, d'aller explorer l'épave du Vengeur, pourtant accessible et qui semble sagement attendre les PJ ? J'ai choisi de m'appuyer sur le personnage de Mathieu Brendan, l'aubergiste (encore un). Le père de ce dernier tenta, des années plus tôt, de descendre jusqu'aux restes du bateau, mais périt quand son scaphandre fut privé d'air. Depuis, nul n'a osé explorer l'endroit où périt Brendan, par superstition ou par peur. Il faudra la résolution des PJ pour s'y rendre, en utilisant le scaphandre paternel. Quand l'heureux volontaire remonte enfin des profondeurs, plus mort que vif, il tend à Mathieu Brendan un vieux pistolet et le reste d'un sabre.
En guise de conclusion, je pense qu'il faut faire descendre ce scénario du piédestal où nombre de joueurs et MJ de Maléfices l'ont placé. Très linéaire (à l'instar de la plupart des scénarios Maléfices de l'époque), il accuse le poids des années et, s'il contient quelques très belles scènes, peut ressembler très fort à un simple jeu de piste avec quelques obstacles à franchir entre ses étapes.
En ce qui me concerne, il est peu probable que j'intègre de nouveau des scénarios "du canon" dans ma chronique Maléfices. Je me contenterai dorénavant d'y piocher des éléments intéressants ou des amorces d'intrigues.
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